Parmi les leçons que la pandémie de Covid-19 a enseignées à la planète entière, c’est qu’il arrive un moment où il faut bien pouvoir compter sur ses propres forces. La fermeture des frontières ayant été rapidement admise comme une mesure barrière de premier plan, les Etats se sont retrouvés quasiment face à eux-mêmes, et bien obligés de trouver des solutions endogènes dans les différents segments de la riposte au coronavirus. Une telle situation a eu l’avantage de favoriser un foisonnement d’initiatives du côté de la réponse sanitaire, à l’instar de ce qu’on peut considérer comme le printemps de la médecine traditionnelle.
C’est dans cette optique qu’on peut lire l’évènement organisé hier à l’Assemblée nationale. Une session spéciale consacrée à la médecine traditionnelle ! Rien de choquant, rien d’étonnant même. Surtout par ces temps où le monde entier cherche toujours une solution à l’épineux problème du Covid-19. Par ces temps où des initiatives locales ont surgi et abouti à des médicaments issus de la pharmacopée traditionnelle, dont les promoteurs revendiquent une efficacité contre la maladie.
Et bien au-delà du débat sur la scientificité et sur les normes, force est de constater que ces produits sont demandés, s’arrachent et donnent visiblement satisfaction, à l’instar du fameux « médicaments de Mgr Kleda », comme l’appellent communément la population aujourd’hui. L’archevêque de Douala n’est pas le seul. Beaucoup d’autres Camerounais, naturopathes pour la plupart, ont proposé leurs trouvailles avec un accueil plus ou moins favorable.
L’initiative de l’Assemblée nationale, apparaît donc comme une suite cohérente de cet état de choses. Les députés étant les représentant du peuple, semblent donc avoir relayé ce frémissement venu de l’exploitation de nos richesses naturelles. Des richesses auxquelles sont attachés bon nombre de Camerounais, en raison d’us et coutumes qui les inclinent naturellement à se rapprocher de la médecine traditionnelle pour les petits bobos du quotidien.
Ce recours aux plantes et écorces thérapeutiques connaît d’ailleurs un pic depuis le mois de mars. Il suffit d’aller dans les lieux habituels de vente pour constater que la demande a clairement décuplé. Et désormais dans les ménages, les remèdes de grand-mère ont gagné leur place. Et quelle place !
La session spéciale organisée hier par la représentation nationale peut être vue comme un plaidoyer en faveur de la médecine traditionnelle. A côté des prouesses de la médecine moderne, l’exploitation judicieuse de la grande pharmacie que constituent par exemple nos forêts et nos montagnes, est sans aucun doute une alternative crédible. Reste à lui trouver la place appropriée dans le système de santé national. Il faudra pour cela transcender les dissensions traditionnelles entre médecine moderne et médecine traditionnelle. Deux réalités qui s’observent souvent en chiens de faïence, alors qu’elles s’apprécient visiblement. Ce qui est clair, c’est qu’il n’y a aucune incompatibilité. Des pays comme la Chine l’ont démontré avec conviction.
Trouver la place appropriée à la médecine traditionnelle, c’est non seulement lui faire de l’espace, mais l’encadrer et l’accompagner pour qu’elle pose ses pierres à l’édifice de la santé publique. On connaît trop bien les griefs habituellement fait à cette médecine. Raison de plus pour travailler à les effacer, en s’inspirant au besoin des expériences d’ailleurs. Les hôpitaux gynéco-obstétriques et pédiatriques de Yaoundé et de Douala expérimentent chez nous, et avec succès, une cohabitation de la médecine moderne et de la médecine traditionnelle chinoise. Et si les amis Chinois qui ont aidé à la construction et qui aident au fonctionnement de ces formations hospitalières de référence, voulaient nous passer un message ? Et s’ils voulaient simplement nous apprendre à pêcher…
Cet article a été écrit et publié en premier par Cameroon Tribune
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